Procession « Za Križen » (« En suivant la croix »)
La procession« Za križen » a été inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.
Za križen est une procession populaire qui a lieu depuis cinq cent ans dans la nuit du Jeudi saint au Vendredi saint, entre six localités au milieu de l’île : Jelsa, Pitve, Vrisnik, Svirče, Vrbanj et Vrboska.
La procession Za Križen n’est pas du folklore, c’est une expression authentique, non commercialisée et profonde populaire de la loyauté envers les valeurs traditionnels. Cependant, en plus de son grande importance religieuse, la procession est très attirante grâce à son apparence pittoresque parce que de longues queues transpercent la nuit avec leurs lampes et grandes chandelles. Derrière le porteur de la Croix et son cortège s’ensuivent les chanteurs qui chantent de vieux chants religieux et le reste de la population. C’est le motif du plus grand nombre de visites de Hvar pendant les Pâques et la procession laisse une grande impression sur les visiteurs.
La vie dans l’île est pleine de la joie et de la tristesse. Au fil des siècles, les habitants de Hvar ont tissé leurs inquiétudes, leurs doutes, leurs joies, leurs peines et leurs croix personnelles dans la procession du Za križen, une ancienne coutume de visiter les tombes de Dieu dans les églises paroissiales de la partie centrale de l’île. Le soir du jeudi Saint les processions partent au même temps de six localités : Jelsa, Pitava, Vrisnik, Svirče, Vrbanj et Vrboska, en visitant les églises paroissiales dans toutes les localités mentionnées, et quelques chapelles sur le chemin, sans se rencontrer nulle part, parce que cela porte du malheur, et elles reviennent dans leurs églises de départ à l’aube du vendredi Saint.
Au début du soulèvement populaire, qui a eu lieu trois mois après cet évènement et a duré quatre ans. Selon autre théorie, la procession est née après la sécession des localités de la partie centrale de l’île du capitole de Hvar. D’après la troisième théorie, la source et l’inspiration de cette coutume est la conscience spirituelle de l’habitant de Hvar médiéval, et la vénération des peines, de la mort et de la résurrection deJésus. Les données historiques démontrent qu’au début elle n’était pas comme aujourd’hui. Au 17e siècle la procession partait le vendredi Saint avant l’aube (environ 4 heures du matin) et avait lieu seulement entre deux localités voisines. Ainsi les habitant de Jelsa allaient à Pitve, ceux de Pitve à Jelsa, les habitants de Vrisnik allaient à Svirče et inversement… La procession a pris la forme actuelle au milieu du 19e siècle.
Les souvenirs les plus anciens de la procession Za Križen (« En suivant la croix ») se sont transmis de bouche à oreille.
A Hvar il existe une superstition selon laquelle les processions ne doivent pas se rencontrer car cela porte du malheur. Le chroniqueur de Vrbanj, Marko Pavičić, écrit dans son livre « Za križen u riječi i slici » que la raison en est probablement qu’une année il s’est perdu un enfant. Un enfant s’est endormi dans l’église et il s’est réveillé bien après que la procession est partie. Il avait eu peur et ainsi confondu il a emprunte l’autre direction et il s’est perdu. On dit qu’il a fallu trois jours pour le trouver.
L’histoire plus récente de la procession Za Križen est indissociable des évènements turbulents pendant la guerre. Le dimanche des Rameaux le 6 avril 1941 les bombardiers allemands ont attaqué Belgrade, ce qui fut le début de la Seconde Guerre Mondiale dans la Yougoslavie de cette époque. A Hvar les gens étaient invités à joindre l’armée et il n’était pas certain si la procession Za križen aurait lieu. Malgré le danger et l’incertitude, la procession a commencé. Les églises et les maisons étaient dans le noir et ceux qui participaient à la procession ont dû éteindre les lampes et les chandelles. Pendant la nuit les gens ont été mis au courant que la Yougoslavie a capitulé et qu’ils pouvaient allumer leurs chandelles sans danger.
Cependant, les événements plus importants pour la procession Za Križen ont eu lieu deux ans plus tard. Au printemps de 1943 l’île de Hvar était occupée par les Italiens, et la procession fut interdite. Cependant, quelques gens ont demandé le commandant italien d’autoriser la procession, ce qu’il a accepté, mais à condition que le porteur de la croix soit accompagné seulement de dix hommes. Les femmes et les enfants ne pouvaient pas y participer. Il les a averti qu’une patrouille allait faire la ronde pendant toute la nuit et s’il on trouve un nombre plus grand que prévu, ils seraient arrêtés et fusillés. Ils ne pouvaient pas allumer les lumières, chanter ni faire la prière. Les témoins du soir de ce jeudi Saint se souviennent que six églises étaient pleines de gens, la peur pouvait se sentir dans l’air, et les gens pleuraient comme si quelqu’un était amené sur l’échafaud. Les participants peu nombreux de la procession se souviennent de la grande peur qui les a accompagnés pendant qu’ils allaient d’une localité à l’autre, en écoutant chaque bruit, inquiétés de la ronde. Le prêtre de Vrisnik a écrit cette année : « A cinq heures du matin le peuple en pleures allait vers sa croix ». Le commandant italien, après avoir vu la volonté et la foi des insulaires, a dit : « Si par hasard je savais avant ce qui c’était, et l’aurait interdit… je me suiciderais maintenant ».
Les gens espéraient que l’année suivante serait meilleure et que la guerre finirait finalement. Malheureusement, l’année 1944 dans notre île fut pleine de feu, de fumée et de sang. Il y a eu des exodes massifs, dont celui vers le camp du désert égyptien d’El-Shatt, où se sont retrouvés plus de 20 000 réfugiés de la région de Dalmatie. De la radio ils apprirent les nouvelles de l’île : pour la première fois dans son histoire, la procession Za križen n’aurait pas lieu, en raison de l’occupation allemande ! Cette année les six églises de la partie centrale de l’île ont été remplacées par six baraques et tentes de désert, et les croix en bois de l’église ont été remplacées par les croix en bois assemblées avec hâte de planches trouvées au camp. Malgré le fort vent de désert, la procession avait plus de trois milles participants, tandis que le chant et la prière ont fait une grand impression sur les soldats américains et britanniques. De retour dans leur patrie, les habitants ont ramené avec eux les crois de bois du désert lointain.
Pourquoi les garçons et les hommes de Hvar veulent porter la croix ? Qu’est-ce qui fait une des plus grands honneurs que les habitants de l’île peuvent éprouver dans leur vie ? Le plus souvent il s’agit d’un vœu, de la reconnaissance ou d’un trouble ou douleur subis. La plupart des porteurs de la croix ne divulguent pas leurs motifs, c’est leur secret. Comment comprendre le plus vieux porteur de la croix au 20e siècle, Luka Bojanić, qui en 1934 portait la croix pour Vrisnik dans l’âge de 83 ans ? Est-il possible de comprendre la peine et l’effort de Marijan Svetkot de la paroisse de Pitve qui, en 1953, portait la croix dans l’âge de quatorze ans ? Comment comprendre le désir et la volonté des habitants de Hvar d’aller à la procession Za Križen chaque année, malgré les guerres, les intempéries, les épidémies et tous les autres troubles ? Les habitants de l’île n’ont pas été empêchés ni par le fort orage en 1910, qui brisait même les lanternes de leur porte-lanternes. Ils n’ont pas été empêchés ni l’intempérie en 1942, ni la forte pluie qui tombait toute la nuit en 1978, quand tous sont revenus mouillés, sans que personne soit devenu malade. Ils n’ont pas été empêchés ni par la pandémie de corona l’année dernière. La procession Za Križen fait parti intégrale de l’identité des habitants de Hvar. Dans chaque habitant de l’île, qu’il soit près ou loin, la nuit de la procession éveille les émotions les plus intenses, rappelle des souvenirs et le plus important, elle les unit à leurs ancêtres, et les fait croire en un avenir meilleur.
On remercie don Stanko Jerčić des vidéos qu’il nous a cedées.